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Etendard Royal
12 février 2013

Lincoln : la légende, le film, et la réalité

LINCOLN

La Constitution des États-Unis acceptée le 17 septembre 1787 par une convention réunie à Philadelphie s’applique à compter du  4 mars 1789. Or, elle se révèle rapidement insuffisante et une convention sera réunie afin de l’amender, notamment pour permettre à l’Etat fédéral de pouvoir disposer de pouvoirs lui permettant de lever des taxes, de contrôler le commerce des Etats de l’Union et de pouvoir régler des litiges frontaliers comme celui qui opposa le Maryland à la Virginie. Il s’agissait de passer d’une union d’Etats à un Etat d’union, créant de fait une inversion des rapports et instituant une opposition entre un Nord industriel et financier, protectionniste, tourné vers le marché intérieur et un Sud rural, en voie d’industrialisation, libre-échangiste.

En 1832, l’Etat fédéral décrète de nouveaux droits de douane qui menacent les économies des Etats du Sud. La Caroline du Sud, durement touchée par cette disposition menace de faire sécession. Il s’agit pour le Nord industriel de trouver des débouchés pour la vente de ses machines-outils. Vente contrariée par l’ouverture des Etats du Sud vers l’Europe et par l’existence d’esclaves. Les autres Etats du Sud agiteront également cette menace à plusieurs reprises jusqu’à l’élection d’Abraham Lincoln.

Puisque ce billet a pour sujet le « grand homme », à l’occasion de la sortie d’un film nécessairement laudateur, j’en profite pour porter à la connaissance de mes lecteurs cet extrait d’un de ses discours prononcé en 1858 :

« Je veux affirmer que je ne suis pas, et que je n’ai jamais été, pour établir en quoi que ce soit une égalité politique et sociale entre les Blancs et les Noirs. Que je ne suis pas, et que je n’ai jamais été, pour faire des Nègres des électeurs ou des jurés, ni pour leur permettre d’avoir des bureaux ou pour se marier avec des Blancs. J’ajouterai qu’il y a une différence physique entre la race blanche et la race noire qui, je le crois, interdira à jamais à ces deux races de vivre ensemble en terme d’égalité sociale et politique. Et comme ils ne peuvent vivre ainsi, tant que Blancs et Noirs se côtoieront, il devra y avoir une relation de supérieur à inférieur. Et moi, plus que n’importe qui, je suis pour que cette supériorité soit assignée à la race blanche. »

Ça, c’est pour rappeler à nos amis de l’Armée du Bien que si les légendes comportent une part de vérité, ça n’est jamais qu’une part. D’ailleurs, il est bon de rappeler que la famille de Lincoln possédait encore des esclaves alors que Jefferson Davis, le président des Etats Confédérés, et le général Robert Lee avaient affranchis les leurs depuis bien longtemps. On oublie également de dire qu’en 1850 il a fait partie de ceux qui soutinrent activement le Fugitive Slave Actqui obligeait l’Etat fédéral à arrêter tout noir suspecté d’être un esclave en fuite et de le renvoyer dans le Sud. Le texte prévoyait d’ailleurs une peine de six mois de prison pour toute personne convaincue d’avoir aidé un esclave en fuite, le tout assorti d’une amende de 1.000$.

Pour mémoire, il me semble également judicieux de rappeler quelques chiffres sur la réalité de l’esclavage dans le Sud. Sur une population blanche de 5 millions, seuls 48.000 étaient considérés comme planteurs, c’est à dire possesseurs de plus de 20 esclaves. Seuls 3.000 en possédaient plus de 100 et 11 plus de 500. Sur quelques 4 millions d’esclaves, la moitié appartenait à des familles qui en possédaient moins de 20, généralement 1 ou 2 travaillant sur de petites exploitations de subsistance. La majorité des sudistes était composée de petits agriculteurs pauvres ne possédant aucun esclave.

Le parti républicain de 1860 s’engage dans son programme à ne pas toucher à l’esclavage là où il existe. Lincoln, une fois élu, affirme dans de son discours d’investiture au Congrès, qu’il fera tout ce qui est son pouvoir pour ratifier, en tant que treizième amendement de la Constitution (Corwin Amendment) quistipule qu’« aucun amendement de la Constitution ne sera adopté qui autoriserait le Congrès ou lui donnerait latitude d’interférer, dans quelque Etat que ce soit, avec les affaires desdits Etats, y compris celles relatives aux personnes tenues en servitude selon les lois de tel ou tel Etat ». D’ailleurs, cette histoire d’abolition n’apparaîtra que tardivement dans la guerre entre les Etats (War between the states). Ce prétexte n’apparait qu’en septembre 1862, alors que la guerre est déjà bien entamée et ne tourne pas à l’avantage des armées de l’Union, pour qu’Abraham Lincoln proclame l’émancipation des esclaves noirs, qui ne prendra effet qu’en janvier 1863. Il s’agissait d’essayer de créer un mouvement de volontaires noirs vers les armées du Nord. Eléments qui au final ne seront intégrés dans l’armée unioniste qu’en juillet 1863, dans des unités distinctes composées uniquement de soldats de couleurs, à la condition qu’ils aient achetés leurs uniformes, les fameuses « United States Colored Troops », dont la solde était très inférieure à celle des soldats blancs. On rappellera par la même occasion à nos amis bien-pensants, que l’armée Confédérée avait intégré les soldats noirs volontaires et ce dès le début du conflit. Que ces derniers se battaient au coude à coude avec les soldats blancs, qu’ils touchaient la même solde qu’eux et qu’ils n’étaient pas obligés de payer leur uniforme. Pire, de nombreux affranchis levèrent même des régiments. Ces soldats seront enregistrés par les nordistes, à la fin de la guerre, en tant que cuisiniers, hommes à tout faire, menuisiers, serviteurs, etc. tant il était impératif de cacher le fait que librement des noirs aient pu combattre les armées émancipatrices. Ce fait a notamment été relevé par Rudolph Young, historien… afro-américain et le Dr Leonard Haynes , un professeur d’université, également afro-américain, qui affirme pour sa part : « quand vous éliminez le soldat confédéré noir, vous éliminez une partie de l’histoire du sud ». Les historiens estiment leur nombre entre 65.000 et 70.000.

 Un soldat de l’Indiana écrivit une lettre au journal de sa ville natale, racontant le baptême de son unité lors de leur confrontation avec des confédérés noirs à l’automne 1861 :

« Un corps d’infanterie de sept cents nègres a ouvert le feu sur nos hommes, blessant deux lieutenants et deux soldats, les hommes blessés témoignent sincèrement qu’ils ont été touchés par des Nègres et que pas moins de sept cents étaient présents, armés avec des mousquets. C’est en effet une nouveauté dans la guerre. Nous avons entendu parler d’un régiment de nègres à Manassas et d’autres à Memphis ou encore d’autres à la Nouvelle-Orléans , mais nous n’y avions pas cru jusqu’à ce que cela soit venu assez près de nous et qu’ils aient attaqué nos hommes. »

Autre témoignage, celui du Dr Lewis Steiner , inspecteur en chef de la Commission sanitaire des Etats-Unis , qui affirme, en observant les positions de  Stonewall Jackson à Frederick dans le Maryland , en 1862 :

« Plus de 3.000 nègres doivent être inclus dans le nombre des troupes confédérées, ils sont habillés de toutes sortes d’uniformes, non seulement d’uniformes usés ou capturés au Nord, mais aussi de manteaux munis de boutons CS, de boutons d’états, etc. Le tout dans un état minable, mais pas plus minable ou sale que ceux utilisés par les blancs dans les rangs rebelles, la plupart des nègres ont à la main, fusils, mousquets, sabres, bowies, dagues, etc. Ils font manifestement, partie intégrante, de l’armée confédérée.  »

Quant au sort des noirs après la guerre, et bien force est de reconnaître que les promesses faites ne furent pas tenues. Les fameux 40 acres de terre qui devaient leur être octroyés ne le furent jamais, aucun politicien nordiste ne voulant créer d’administration pour cela. Le droit de vote bien qu’accordé ne fut guère utilisé avant le mouvement des droits civiques, y compris dans les Etats du Nord. Quant à leur condition d’hommes libres, elles fut encore plus misérable que celles peu reluisantes réservées aux immigrants européens, notamment ceux venus d’Irlande et d’Italie dans les grandes métropoles nordistes. Ils ont été les cocus d’une guerre qui avait pour but de mettre au pas les Etats du Sud, c’est à dire de les obliger à suivre la direction imposée par les Etats industriels du Nord qui engloutissaient charbon et bois de chauffe en quantités astronomiques sans vouloir en payer le juste prix. Etats du Nord qui voulaient freiner l’expansion des Etats du Sud vers l’Ouest afin de pouvoir en tirer le maximum de profits pour eux-mêmes.

Source : Koltchak 92120

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